L’augmentation générale des salaires, de tous les salaires, si elle commence en premier lieu par l’augmentation du SMIC ne saurait faire l’impasse sur la nécessité de revaloriser l’ensemble des grilles salariales. Elle ne saurait faire l’impasse sur l’augmentation du point d’indice, des pensions de retraite et des minimas sociaux.
Le pouvoir d’achat des salariés, fonctionnaires, retraités, chômeurs et allocataires ne cesse de baisser alors que, dans le même temps, le profit des grandes entreprises et des plus riches continue de narguer le monde du travail. Le salaire devient la variable d’ajustement pour sauvegarder leur profitabilité.
Les négociations annuelles obligatoires (NAO) sont asséchées par les exigences des actionnaires et si nous engrangeons quelques réussites, elles sont le fruit du combat lancé par nos militants syndicaux avec le soutien majoritaire des salariés.
À Force Ouvrière nous militons pour une autre répartition des richesses et pour garder une sécurité sociale basée sur la solidarité, les valeurs républicaines et le salaire différé.

Une hausse du SMIC insuffisante

La hausse du SMIC de 2 % au 1er novembre est loin d’être à la hauteur du « coup de pouce » nécessaire, cela reste insuffisant. Rappelons qu’il atteint 1801,80 euros bruts mensuels et que nous revendiquons un SMIC à hauteur de 80 % du salaire médian, c’est-à-dire 2 206 euros bruts mensuels. Cette revalorisation imposée par la loi s’accompagne depuis des années, en l’absence de négociations volontaristes dans les branches et les entreprises, de l’écrasement de la hiérarchie des grilles de salaires. En cause notamment, le système d’allègement des cotisations sociales mis en place et étendu depuis 1993. Ce dispositif d’aide directe aux entreprises sans contrepartie et au détriment de notre salaire différé coûte à l’Etat près de 80 milliards d’euros annuels. De quoi récupérer quelques milliards d’euros manquants au budget du pays !
L’augmentation du salaire minimum fait donc tomber « ipso facto » les rémunérations proches dans la catégorie relevant du SMIC et des exonérations de cotisations sociales. L’effet pervers est d’accroitre d’année en année la population salariée payée au SMIC ; elle est aujourd’hui de plus de 17 % contre 12 % il y a trois ans.

La « smicardisation » gagne du terrain

Cette « smicardisation » constitue un véritable piège économique et social, elle finit par étouffer toute perspective d’ascension salariale. Résultat, les augmentations annuelles du salaire mensuel de base, c’est-à-dire le salaire brut avant le versement des primes, participations et heures supplémentaires décroissent au fur et à mesure que l’on monte dans la hiérarchie. L’encadrement subit alors de plein fouet cette baisse masquée de son salaire (en euros constants) ; masquée car compensée par la multiplication des artifices de rémunérations. Artifices qui ont l’avantage de permettre docilité, et quasi-mutisme revendicatif et si quelques revendications se font jour, elles sont trop souvent canalisées par une organisation syndicale dont le corporatisme entrave la nécessaire solidarité des salariés. L’intérêt de qualifier de cadres de nombreux salariés, sans qu’ils en aient les attributs financiers, devient alors vite évident.
Les patrons ont donc bien compris l’intérêt à maintenir la plus grande partie de leur personnel dans les bas salaires. Dans ce contexte, l’éventail des salaires conventionnels continue de se resserrer. Ainsi, à « France Travail », le 1er niveau de la grille des conseillers d’emploi se situait à 303 euros au dessus du SMIC en 2018 mais à 57 euros seulement au 1er novembre 2024. Les classes moyennes s’enfoncent de plus en plus dans un sentiment de déclassement. C’est pourquoi Force Ouvrière exige l’ouverture de négociations sur les classifications et le retour à l’échelle mobile des salaires.

Un affaiblissement de la négociation collective

Le mot de négociation est de plus en plus galvaudé : la plupart des entreprises partent du principe que le salaire se négocie de gré à gré et, sans l’appui massif des salariés, nous avons de plus en plus de mal à obtenir des augmentations collectives. La modération voire la stagnation des salaires s’accompagne du développement de dispositifs ponctuels trop souvent désocialisés et ou défiscalisés en complément du salaire. C’est le cas de la prime de partage de la valeur, mais également du développement des primes individualisées, de l’intéressement… En moyenne ces diverses primes correspondent à 20 % de la rémunération. Le gros risque reste que ces dispositifs variables, voire temporaires, passent à la trappe, entérinant une perte de pouvoir d’achat bien plus marquée que ne le suggèrent les chiffres officiels. Enfin cette logique libérale d’individualisation remet aussi en cause notre salaire différé et donc le financement et les fondements de notre protection sociale.
L’écart de rémunération entre les grands patrons et les salariés qu’ils emploient, démontre qu’il y a des marges de manœuvres importantes qui doivent bénéficier à la négociation collective et donc aux salariés.

Pour paraphraser Esther Lynch, Secrétaire Générale de la CES « Il convient que les PDG présents à Davos posent les petits-fours et rejoignent les syndicats à la table des négociations… ».