Notre Secrétaire Générale Christine Besseyre est intervenue au Congrès de la Fédération Générale des Fonctionnaires (FGF) Force
Ouvrière. Elle a rappelé la trajectoire de nos entreprises, les difficultés et les combats gagnés.
Mes chers camarades,
Je vous apporte le salut fraternel des militants de la fédération Force Ouvrière de la Communication et, plus particulièrement, de ses militants fonctionnaires, devenus, au fil du temps, de lointains cousins de la FGF. Lointains à cause de la transformation des entreprises La Poste et Orange mais, néanmoins, toujours cousins car, avec la famille FGF, nous portons ensemble nos revendications communes au sein de la fonction publique.
Aujourd’hui, Orange c’est moins de 15 000 fonctionnaires, soit 23% de l’effectif total et, pour ce qui concerne La Poste, avec un peu plus de 44 000, ils en représentent 27,5%… Pour chacune de ces deux entreprises, maintenant privées, nous avons toujours revendiqué qu’elles puissent assurer leurs missions de service public respectives.
Pour FO Com toute la filière télécom doit pouvoir s’appuyer sur un opérateur de service public puissant, dont L’État doit rester l’acteur principal. Sa régularisation ne doit pas être mise en concurrence commerciale.
Ce secteur stratégique, alors que la place du numérique est devenu essentielle dans la vie de chacun, joue également un rôle clé dans l’accès des citoyens aux services des télécommunications.
Malheureusement, les politiques publiques et réglementaires sont défavorables à l’opérateur historique. Il est confronté à un double problème. L’État cumule désengagement et ponction financière et, dans ce domaine, avec, rien qu’en Europe, plus de 120 concurrents le contexte commercial est exacerbé. Ce nombre génère, d’ailleurs, un effondrement de leurs marges et met un frein à leur capacité d’investissement. C’est néfaste pour le citoyen, dangereux pour l’avenir.
Lancé en février 2013, le plan « France Très Haut Débit » devait, pour un coût de 20 milliards d’€, permettre de couvrir tout le territoire en très haut débit. Pour ce faire, quatre acteurs ont été mobilisés : l’État, avec la création d’une « agence du numérique », les opérateurs privés qui investissent en priorité là où la rentabilité est assurée, les collectivités locales, notamment pour les zones les moins denses et , enfin, l’ARCEP, gendarme des télécoms, qui contrôle toutes les initiatives, publiques comme privées et régule le marché. Aujourd’hui, force est de constater que le résultat n’est pas brillant. Cette gestion quadripartite s’est traduite par une balkanisation des réseaux fibre en zone rurale au détriment de la qualité de service et de conditions tarifaires garanties et universelles sur tout le territoire.
La situation sociale, quant à elle, après ces 30 ans de concurrence et de privatisation, s’est fortement dégradée. Au-delà des politiques nationales menées, les personnels subissent un plan stratégique, « lead the future » , basé sur une destruction massive d’emplois. Les projets de transformation, la politique immobilière, la filialisation, les restrictions budgétaires font dire aux salariés que la politique sociale actuelle s’apparente à une « lombardisation », rappelant ainsi la sinistre « époque Lombard » des années 90 et sa vague de suicides. De plus, par le biais des départs non remplacés, Orange perd entre 4000 et 6000 emplois par an, ce qui pose la question des compétences et qualifications. 80% des départs définitifs concernent l’UES Orange et 73% des recrutements externes sont réalisés au sein des filiales . Ce recours accru à la sous-traitance développe un modèle industriel qui ne satisfait personne : pour le client, la qualité de service s’effondre, pour le sous-traitant, les marges sont réduites du fait du trop grand nombre d’acteurs, pour les salariés, les emplois sont précaires, mal payés et mettent en danger leur santé et leur sécurité par la recherche excessive de rentabilité.
Pendant ce temps, le Groupe affiche des résultats en vert. Avec, en 2024, un chiffre d’affaires de plus de 40 milliards, en hausse de 1,2 %, c’est un retour à la croissance et une reprise des investissements. Comme quoi, tout ne va pas si mal… pour l’entreprise. Il est maintenant grand temps de reconnaître les efforts consentis par les salariés.
Depuis, en 2010, le passage de La Poste en société anonyme, FO Com n’a de cesse de revendiquer un financement pérenne de la part de l’ État, à l’euro près, des quatre missions de service public qui constituent la raison d’être de La Poste mais, aussi, un levier pour le développement d’activités concurrentielles. Même Éric Lombard, alors président de la CDC, a reconnu, il y a quelque mois, que La Poste ne pouvait plus supporter une telle charge financière ; « le sac à dos devient trop lourd », disait-il alors. Depuis qu’il est ministre de l’Économie et des Finances, un déplacement de ses centres d’intérêt, cumulé à une amnésie sélective, le rendent silencieux sur le sujet alors que la note s’alourdit d’année en année. Pour 2024, c’est 1,2 milliard d’euros de reste à charge pour La Poste.
Cependant, assurer ces missions est une fierté pour les postiers, une perpétuation de la légende créée par nos anciens. C’est également, et nous le savons tous, une richesse pour les citoyens. Par ailleurs, elles permettent de maintenir la confiance en l’opérateur postal historique pour le développement des produits, récurrents ou nouveaux. Pour exemple, faire passer le facteur avec très peu de courrier, c’est lui permettre de distribuer les colis en constante augmentation ; maintenir les bureaux de Poste c’est assurer le développement de la Banque Postale.
Pour l’heure, ce sont les postiers qui continuent à pallier le désintérêt des divers gouvernements pour ces missions autrefois considérés comme régaliennes. Ils en payent l’addition par des suppressions d’emplois, des dégradations des conditions de travail et, surtout, des négociations salariales au rabais voire inexistantes. Rappelons le, si l’État remplissait enfin son rôle, La Poste pourrait assurer ses nécessaires investissements et inaugurer une politique salariale ambitieuse.
En outre, autre menace, si, comme je l’ai précisé il y a quelques instants, le ministre de l’Économie et des Finances reste silencieux, il n’en est pas de même de la Cour des comptes. Elle vient de publier un rapport dont les préconisations font craindre le pire. Si elle ne parle pas explicitement de suppression de ces missions, elle suggère, toutefois, d’en réexaminer le contenu (pourquoi pas ?) et de s’interroger sur leur pertinence (ce qui est plus inquiétant). Lorsqu’elle remet en cause la fréquence hebdomadaire de distribution du courrier, la faisant passer de 6 à 5 jours, elle précise bien le sens de sa pensée qu’elle résume par la recommandation suivante : adapter les missions de service au recul de leur usage et de leur utilité réelle en diminuant leur champ … ». Pour ma part, mes chers camarades, je précise que, si on en arrivait là, au-delà des activités non assurées que je viens d’évoquer, c’est également 10 000 emplois en moins dans la Branche Courrier. C’est bien connu, quand on veut tuer son chien….
Ce rapport arrive à un moment particulier pour La Poste. D’une part, l’entreprise attend, le 1er janvier prochain, d’être reconduite comme « opérateur du service universel ». Elle a, a priori, toutes ses chances car qui d’autre que La Poste possède l’infrastructure nécessaire pour, entre autres, assurer la distribution du courrier sur tout le territoire ? La prudence reste toutefois de mise. D’autre part, le changement de président à la tête du Groupe , le 24 juin prochain, va, bien évidemment, rebattre les cartes de la stratégie qui vient d’être remise en cause par la même Cour des comptes. Hasard ou calcul stratégique ? Autant dire que La Poste entre dans une période d’incertitudes dont les postiers se seraient bien passés.
Mes chers camarades, je ne sais pas pendant combien de temps je pourrai encore vous parler du service public postal. En ce qui concerne les télécommunications, vous l’aurez compris, l’affaire est malheureusement entendue. Cependant, à FO Com, pour ce que nous sommes, c’est-à-dire des défenseurs de la République, il est nullement question de baisser les bras. La défense et le maintien des missions essentielles aux citoyens seront toujours d’actualité, la défense des fonctionnaires de la Poste et d’Orange se fera tant qu’il en restera, jusqu’au dernier.
En 2024, nous avons vu arriver les deux décrets créant de nouveaux échelons fonctionnels pour les fonctionnaires cadres supérieurs. L’accord de 2018 est, enfin, respecté, l’équité est rétablie entre fonctionnaires de la Poste et d ‘Orange et fonctionnaires d’État. Cette victoire, c’est le résultat d’un long combat que nous avons mené avec la FGF que je veux, aujourd’hui, remercier pour son aide précieuse.
Ce combat-là, vient à la suite de nombreux autres et, j’en suis certaine, il en préfigure d’autres que nous mènerons ensemble.
Oui, ensemble mes camarades car ce qui, toujours, nous unira, ce sont nos valeurs communes, nos valeurs républicaines et de service public.
Je vous remercie.