Suite à l’organisation d’une manifestation le 4 mars à Tunis, la délégation de la Confédération Syndicale Internationale (CSI) composée de responsables syndicaux d’Italie, d’Espagne, d’Algérie, de France, de Libye, de Norvège ou encore de Palestine, s’est vue refuser l’entrée en Tunisie pour participer à la mobilisation de l’UGTT visant à protester contre la répression syndicale et condamner les politiques sociales et économiques qui ne cessent d’aggraver les inégalités dans le pays.
Mais comment la Tunisie en est arrivée là ? Pour une fois, en ce 8 mars, regardons l’évolution de ce pays sous l’angle de la femme. Rappelons-nous le 13 mars 1956, soit cinq mois après l’indépendance, Habib Bourguiba réalise un acte politique plus qu’audacieux. Il met fin au pouvoir despotique des pères et maris, transforme la femme en sujet de droit, relève l’âge légal des femmes à 20 ans, proscrit la répudiation, institue le divorce judiciaire, interdit la polygamie…
Pour le « combattant suprême », l’ordre patriarcal était à bannir autant que le colonialisme. L’émancipation de la femme, aujourd’hui le 8 mars était un impératif politique (éducation, contraception, etc.). Face à une natalité galopante, la femme devait pouvoir décider ! Aujourd’hui, les objectifs ont été largement atteints : 1.99 enfant par femme (contre plus de 4 à l’époque), 63% de lauréates au baccalauréat et on constate la même tendance à l’université. L’échec scolaire devient aujourd’hui masculin et cela pose également de vraies questions (violences sociales croissantes). Si les professions se sont féminisées, le chômage touche deux fois plus les femmes.
Les violences conjugales subsistent et une « orientalisation de la société » est apparue au début des années 80 avec la réapparition du hijab qui avait disparu dans les années 70. La réforme de 1993 supprimera le « devoir d’obéissance » de la femme envers l’époux et l’autorisera à transmettre la nationalité tunisienne en cas de mariage avec un étranger.
Peu après la révolution de 2011, alors que tous les espoirs semblaient autorisés, le conservatisme soutenu par la victoire d’Ennahdha aux élections à la Constituante souligne la précarité des acquis de la femme. Les manifestations de 2012 ont permis de conserver dans les textes constitutifs la notion d’égalité contre celle de complémentarité ! L’État « s’engage à protéger les droits acquis de la femme et œuvre à les développer » et une loi sur la violence faite aux femmes et contre le harcèlement a été adoptée le 13 juillet 2016 en Conseil des ministres. Même si aujourd’hui tout n’est pas parfait et la route peut sembler longue en matière de violence sexuelle ou d’héritage, le pays semble tarder à vouloir légiférer et transposer au quotidien les principes énoncés. Les nombreux détracteurs répondent que ce n’est pas le moment de réformer voire de changer. Mais le gouvernement tunisien devrait se souvenir que les tunisiens ont toujours été plus progressistes que leurs dirigeants. Aujourd’hui, dans une économie étouffée avec un gouvernement sourd, face à ces restrictions de libertés et des choix économiques catastrophiques, l’espoir est bien présent et les signes donnés par le gouvernement tunisien sont bien ceux d’une prochaine révolution naissante.