L’article L.411-1 du code de la sécurité sociale définit l’accident de travail comme, « quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ». L’article L.1222-9, III, du Code du travail dispose : « L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale. ».
En ce qui concerne les fonctionnaires, l’article L822-18 du code administratif définit l’accident de service comme « tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal ».
Ces deux définitions sont désormais bousculées par l’irruption dans nos vies du télétravail et des technologies de l’information. Depuis la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail, ce dernier s’est introduit au sein même du domicile familial, via l’invention du télétravail, ce qui a obligé le législateur à rédiger une loi sur le droit à la déconnexion, afin de limiter l’emprise du domaine professionnel sur la vie personnelle.
Outre l’accident de trajet, qui n’existe plus ici, cette fusion entre le domicile et le lieu d’exercice du travail a des conséquences sur la reconnaissance de l’accident de travail. Plusieurs jurisprudences récentes ont commencé à dresser le contour de l’accident de télétravail, que ce soit pour le salarié ou pour le fonctionnaire.
Un salarié qui était en télétravail entend un choc dehors et perd sa connexion internet, il sort, constate que le poteau téléphonique a été endommagé par un camion. Suite au passage d’un second camion, le poteau lui tombe dessus alors qu’il parlait avec le chauffeur du premier. Cet accident n’a pas été reconnu en accident de travail, la Cour d’appel de Saint - Denis de la Réunion constatant que le salarié n’était plus sur son lieu de travail, et n’était plus sous la subordination de l’employeur « dès lors qu’il ne relevait pas de sa mission inhérente au contrat de travail d’identifier l’origine de la panne informatique ».
Une salariée finit son télétravail à 16 h 01, et chute une minute plus tard en remontant de son bureau. La Cour d’appel d’Amiens refuse la qualification d’accident du travail car la victime avait terminé sa journée, ce qui empêche le jeu de la présomption d’accident du travail, et n’apporte pas la preuve « de la matérialité du fait accidentel, de sa survenance par le fait ou à l’occasion du travail et du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel ». Mais comment apporter des témoignages lorsqu’on est seul chez soi ?
À contrario, le Tribunal Administratif de Paris a annulé le refus d’Orange de reconnaître comme accident de service le décès d’une fonctionnaire en télétravail, suite à l’incendie de son domicile durant sa pause déjeuner de 45 minutes, car « au vu notamment de la brièveté de ce laps de temps, son déjeuner à domicile doit être regardé comme constituant un prolongement normal de son activité en télétravail ».
Il n’est pas impossible que les deux ordres de juridiction cherchent à harmoniser leurs jurisprudences à l’avenir. Il serait alors possible, à l’image de nos voisins allemands, de reconnaître la chute dans les escaliers d’un salarié qui se rend dans sa salle de travail au rez-de-chaussée, comme étant un accident du travail.
Une autre piste serait de s’interroger pour déterminer quelle est la causalité prépondérante de l’accident. Cela permettait alors de rattacher la chute du poteau à l’activité professionnelle du salarié. Sans l’interruption du travail causée par la panne, il ne serait pas sorti et n’aurait pas subi d’accident.
Une dernière possibilité serait de reprendre pour le salarié la notion de « prolongement normal » de l’activité de l’article L822-18 du code administratif pour l’intégrer dans le code de la sécurité sociale, mais cela relève uniquement du législateur.
À ce jour, force est de constater que le télétravailleur est moins protégé que les autres salariés, puisque la chute dans l’escalier aurait été, a minima, reconnue comme accident de trajet pour un salarié en établissement. Dans l’état actuel de la jurisprudence, les salariés en forfait jour et en télétravail auront des problèmes pour faire reconnaître l’accident de travail, car le juge semblant se baser en priorité sur les horaires de travail, comment faire lorsque l’on n’en n’a pas ?
En attendant, que faire ?
Devant une interruption de la prestation de travail, il faut prendre des instructions avant de sortir du cadre strict de la prestation de travail. « Chef, vous allez rire, mais je crois qu’un camion a coupé les fils et je n’ai plus de connexion, je vais voir ce qu’il se passe ? » C’est oui ou c’est non, mais dans tous les cas vous avez un ordre direct qui rattache l’accident éventuel à l’exécution du travail.
En cas d’accident à domicile lors du télétravail, si vous êtes tout juste sorti de la plage du travail, lorsque vous appelez pour signaler l’accident, essayez de le rattacher à l’exécution du travail « J’allais rallumer l’ordinateur pour envoyer le mail que j’avais oublié ». Rien ne garantit que ça sera pris en compte, mais ça augmente les chances de voir l’accident classé comme accident de travail.