Avec la mondialisation et la libre circulation des capitaux, les états ont utilisé l’impôt sur les sociétés comme instrument de la concurrence fiscale afin d’attirer les entreprises et les investissements sur leur territoire. Ainsi, par le jeu des prix de transfert ou redevances, les entreprises localisent leurs profits dans les pays offrant la fiscalité la plus avantageuse voire dans des paradis fiscaux dits « réglementés » dans l’UE (Irlande, Pays-Bas, Luxembourg, Jersey…) ou vers ceux ayant opté pour une absence totale de fiscalité (12 juridictions selon l’OCDE en 2020 comme les Iles Caïman, Bermudes etc).
Dans les faits, l’optimisation fiscale des grandes entreprises consiste surtout à domicilier les firmes dans les pays où l’impôt sur les sociétés (IS) est le plus bas pour y déclarer leurs profits alors qu’elles s’implantent pour leur endettement dans les pays où les taux sont les plus élevés. Ainsi, les pertes liées à ce schéma d’optimisation fiscale représenteraient entre 4% et 10% des recettes de l’IS et 13,5 Mds d’euros de pertes en 2018 pour la France au détriment des entreprises locales qui n’ont pas possibilité de recours à l’optimisation fiscale internationale.
Cet accord sur la fiscalité internationale a été trouvé dans un contexte marqué au niveau mondial et européen par de nouveaux scandales. Le 3 octobre dernier, à la suite du travail du consortium international des journalistes d’investigation, les Pandora Papers ont de nouveau révélé l’ampleur des pratiques de fraude fiscale, d’évasion fiscale, d’optimisation fiscale et de planification fiscale agressive par des milliers de personnalités politiques et de personnages publics, comprenant également des chefs d’état européens en République Tchèque ou encore en Autriche qui ont, depuis, été démis de leurs fonctions. Les documents révélés confirment l’étude réalisée en 2020 par l’OCDE évaluant à 11 300 milliards de dollars les sommes détenues dans des places offshore permettant de transférer les bénéfices des pays à forte imposition où ils sont réalisés vers des sociétés écran dans des juridictions à faible imposition.
Selon l’OCDE, cet accord devrait générer 150 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires, avec un bénéfice essentiellement pour les pays déjà les plus riches, et mener à un transfert de 98,8 milliards de dollars par an entre les juridictions à travers le monde bénéficiant notamment aux pays avec une large base de consommateurs de services numériques, de produits de luxe ou de produits pharmaceutiques.
FO réitère son appel pour davantage de justice fiscale à travers le monde et en France passant par une action effective contre les paradis fiscaux et les pratiques fiscales illégales ou abusives qui dépassent bien souvent le cadre national – d’autant plus face au besoin criant de ressources fiscales supplémentaires, au lendemain d’une décennie d’austérité, pour faire face à la crise du COVID-19. L’accord trouvé au niveau international n’est pas l’accord historique initialement escompté mais il marque un réengagement du multilatéralisme en la matière qu’il conviendra de suivre de près pour un accord opérationnel au plus vite et de remobiliser pour une véritable solution à la course au moins disant fiscal. Un point de vigilance donc pour FO et pour le syndicalisme européen et international.