La simplification est de retour ! Depuis le début de l’année, les annonces sur le sujet sont nombreuses. Pour le ministre de l’Économie, « la surcharge administrative représente environ 84 milliards d’euros de perte de production en France, 3 % du PIB », martelant dans le même temps que « trop de normes tue la croissance ».
Il faut donc simplifier. Or « simplifier », comme « réformer », est rarement annonciateur de bonnes nouvelles. Souvent, derrière un discours de bon sens, la simplification des règles et des normes est synonyme de réduction des droits des salariés et de diminution du nombre et des moyens de leurs représentants.
Il y a une dizaine d’années, on nous a présenté le « choc de simplification » qui comportait un ensemble de mesures visant à « faciliter la vie des entreprises et simplifier leurs démarches ». Les ordonnances travail puis la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises), promulguée en 2019, se sont réclamées des mêmes objectifs. En novembre dernier, le ministre de l’Économie a organisé une consultation publique auprès des entrepreneurs afin « d’identifier les mesures visant à faciliter la vie des TPE et des PME ». D’après Bruno Le Maire cette consultation, avec plus de 5 000 propositions, a été un succès. Sans doute, mais pour qui ?
D’abord pour lui, à qui elle a permis d’affirmer que « la France a besoin d’un choc massif de simplification ».
C’est ce qu’on appelle se forger un alibi avant de perpétrer des mauvais coups. La CPME, toujours à l’affût, a quant à elle fait 80 propositions pour mettre fin à la complexité administrative. Sans surprise, la plupart rime avec déréglementations en tout genre, comme relever les seuils d’effectifs qui déclenchent des obligations pour les entreprises ou, encore, modifier les règles des CSE et de délégation… bien évidemment en défaveur des représentants des salariés. Ce n’est plus de la simplification mais bien de l’antisyndicalisme primaire. De quoi inquiéter les travailleurs et leurs représentants.
Enfin, le 15 février dernier, un rapport parlementaire intitulé « pour rendre des heures aux Français », remis au ministère de l’Économie proposait diverses mesures, prémices à l’élaboration d’une future loi PACTE II.
Notons, parmi les plus antisociales d’entre-elles, la révision des seuils qui déterminent les obligations de l’employeur, la création d’une Banque de Données Économiques Sociales et Environnementales (BDESE), la réduction des délais de contentieux en matière prud’hommale, la possibilité pour certaines entreprises (moins de 5 ans et moins de 50 salariés) de déroger aux accords de branches.
Le bulletin de paie est également concerné. Bien que le Sénat se soit, jusqu’à aujourd’hui, opposé à son « allègement », il faut bien garder en tête la philosophie des promoteurs de cette initiative. Si les éléments de la rémunération seront toujours mentionnés, il n’en serait pas de même pour les cotisations sociales.
Avec bon nombre de lignes abrogées (entre 15 et 55), et la suppression de la liste détaillée des éléments constitutifs de la paie effective, le salaire différé deviendrait totalement invisible. Seuls les montants totaux demeureraient. Vigoureusement opposée à cette « simplification » qui, en rendant invisible son mode de financement, est une attaque directe contre notre système de protection sociale, Force Ouvrière a rappelé que, ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’une réduction des lignes mais d’une augmentation du montant en bas de page !
Si simplification il doit y avoir, c’est par la suppression de la distinction entre cotisations salariales et cotisations patronales. Elles relèvent toutes de ce salaire différé que l’on cherche à détruire. Évidemment, cela rendrait plus compliqué le calcul des allègements de « charges » patronales, comme certains aiment indûment les nommer.