L’inflation attaque de toute part : à la pompe, au supermarché mais elle touche également le logement. La principale cause des fins de mois difficiles reste de loin cette part consacrée aux loyers à régler, aux prêts immobiliers à rembourser, aux assurances à payer et aux factures de chauffage à honorer.
Le poids du logement représente 22,2 % du budget des ménages (contre en moyenne 18,6 % dans les pays de l’OCDE) et cette charge s’alourdit davantage selon les niveaux de vie. Les dépenses de logement pèsent ainsi près du quart du budget des ménages de nos jours, alors qu’elles n’étaient que de 9 % dans les années 1960.
En matière de lutte pour le pouvoir d’achat, le logement est donc un levier des plus décisifs.
Trouver un logement : les complications risquent une brusque accélération
Ce bilan devrait s’aggraver à l’horizon 2035, avec l’entrée en vigueur progressive de la loi Climat et Résilience adoptée à l’été 2022 et la prise en compte du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) des logements pour être sur le marché locatif. Bon nombre de logements ne seront plus proposés, puisque pour certains le coût des travaux est conséquent.
L’Observatoire National de la Rénovation Énergétique (ONRE) avec l’ADEME chiffrent à 7,2 millions de logements considérés comme concernés au 1er janvier 2022 (39,3 % du parc des logements en location). En Île-de-France, le résultat grimpe à 55 % du parc locatif privé (745 000 logements). Le logement social, géré de manière plus centralisée, détient moins en proportion avec 29 % d’étiquettes E, F ou G.
Même si le parc social reste le meilleur élève concernant l’état des logements d’un point de vue énergétique, côté parc privé, les difficultés pour trouver un logement vont s’intensifier puisqu’on constate que les bailleurs exigent de plus en plus de garanties et de sécurité concernant l’emploi et les revenus pour choisir leur locataire. Le secteur locatif privé est majoritaire en France : un logement sur cinq relève du secteur locatif privé. Au 1er janvier 2020, la France hors Mayotte compte 37 millions de logements.
Encore une affaire sur fond de gros sous et de réformes successives
Le décrochage entre revenus et prix du bail privé va se poursuivre. Une situation qui se traduit par une ponction intolérable sur le pouvoir d’achat des particuliers, surtout en zones tendues, là où il y a pénurie de logements sociaux. Cette ponction est un grave facteur de déséquilibre et de discrimination économique. En France, les timides mesures prises par l’État en direction du locatif privé (mise en place a minima d’un encadrement des loyers ou d’une baisse volontaire des loyers au moment de la création de la réduction du loyer de solidarité en 2018) restent bien en deçà d’une action significative.
Le logement social est mis à mal par les réformes successives. Les bouleversements débutent avec la loi ELAN puis la loi de finances 2018 et impactent le modèle économique ainsi que le système de financement du logement social en imposant une sévère réduction des ressources des OLS (Organismes de Logement Social). Ils prévoient également des mutations dans l’organisation des bailleurs en les contraignant à se regrouper. Ces réformes s’accompagnent d’un désengagement financier de l’État sur les aides à la pierre, d’importantes ponctions de l’État sur les ressources d’Action Logement et d’une remise en cause de sa gouvernance, voire de son existence.
En 2020, 3,4 millions de demandes de logement social ont été déposées ou restaient actives avec seulement 11 % des demandes satisfaites (en baisse de 2 points par rapport à 2019).
Les entreprises prennent-elles toute leur part ?
Certaines entreprises sont dotées de politique Logement, telles La Poste (mise en place de Poste-Habitat, filiale de Toit et Joie en 2007, aujourd’hui dénommé Groupe Poste-Habitat) et Orange (Orange cotise à Action Logement à hauteur de 19 millions d’€/par an + aide au logement pour ses salariés), mais beaucoup de salariés ne sont pas accompagnés, aidés dans la « simple » procédure de demande de logement social.
Des aides financières peuvent même être accordées pour les nouveaux embauchés, histoire d’attirer pour le recrutement (ndlr : et après, on laisse les carrières stagner et on verrouille les rémunérations… La belle pente !). Mais outre le fait que ces dispositifs répondent à de forts besoins, et qu’il est important de saluer la mise en place d’une telle politique en entreprise, c’est à se demander si ce n’est pas pour se donner bonne conscience.
En prenant l’exemple du Groupe La Poste, nous pouvons faire la corrélation avec les bas salaires. La contribution via la PEEC (Participation des Employeurs à l’Effort de Construction) a au minimum une quote-part de 0,45 %. Le calcul s’effectue sur le montant total des rémunérations imposables et des avantages en nature versés au personnel au cours de l’année N-1 (base de calcul des cotisations de sécurité sociale). Les rémunérations imposables sont par exemple les salaires, les cotisations salariales, primes, gratifications, indemnités. La masse salariale étant faible à La Poste, l’effort de construction est bien moindre pour une entreprise qui fait partie des grandes entreprises françaises avec 23,478 Mds d’euros de chiffre d’affaires…
À FO, nous considérons que la défaillance du marché privé détermine la notion de besoin dont la prise en compte s’impose à l’action publique. L’État doit donc se donner les moyens de les connaître (et reconnaître) afin de répondre à toute demande dans sa diversité, et pour intervenir avec pertinence sur la production de logements décents.
Toutes ces coupes politiques et budgétaires côté social ou ces choix stratégiques pour répondre aux impératifs environnementaux et sociétaux côté privé, c’est autant d’offres qui ne pourront répondre à une demande.
Cette situation poussera les victimes de la précarisation du travail dans la rue et creusera encore davantage les difficultés pour le secteur sans-abri, puisque-là aussi, il y a des lits supprimés et des moments délicats se profilent. Cela nous rappelle vaguement les hôpitaux… Serait-ce le même type de politique appliqué et recyclé ?
Rappelons qu’en 2019, la France a été condamnée par l’ONU pour “violation du droit au logement”, dans un contexte où le nombre de personnes sans domicile ne cesse d’augmenter.
La crise du logement omniprésente en 2022, et les changements climatiques fréquents n’écartent pas l’hypothèse d’un hiver rigoureux. Conjointement à un pouvoir d’achat en baisse pour les ménages, combien de gens ne pourront pas y faire face et subiront les conséquences de toutes ces insuffisances (logement, énergie, pouvoir d’achat) ? Il est temps que les grandes entreprises et les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités.
Les Données chiffrées
Au 1er janvier 2021, 15,6 % des résidences principales en France sont des logements locatifs sociaux, soit 5,2 millions. Au cours de l’année 2020, 66 600 logements ont été mis en location pour la première fois dans le parc social. Dans le même temps, on compte 7 800 logements démolis et 11 700 logements vendus. Ainsi le parc locatif social croît de 1,1 % entre le 1er janvier 2020 et le 1er janvier 2021. Le loyer moyen au 1er janvier 2021 a augmenté de 1,4 % par rapport à l’année précédente. C’est particulièrement marqué en Île-de-France (+ 2,5 %).
Une autre réalité : Le nombre de personnes mal-logées ne diminue pas !
4,1 millions de personnes sont considérées mal-logées. Parmi elles :
- 1 068 000 personnes ne disposent pas d’un vrai logement personnel, elles sont sans domicile fixe (SDF), vivent dans des habitations de fortune, sont hébergées chez des tiers ou sont en chambres d’hôtel.
- Plus de 2 millions habitent des logements sans confort (pas d’eau courante, toilettes communes sur le palier, moyen de chauffage très dégradé…).
- Le doublement depuis 2012, du nombre de personnes sans domicile qui sont aujourd’hui 300 000.
- L’engorgement des hébergements d’urgence (début décembre 2021, près de 4 000 personnes ont appelé en vain le 115 faute de places d’hébergement d’urgence disponibles).
- L’augmentation du nombre des expulsions (12 000 en 2021 contre 8 200 en 2020).
Outre la pénurie d’hébergements d’urgence, la France manque de logements sociaux. La demande de logement social a progressé deux fois plus vite que le nombre de logements sociaux. Dans le même temps, les aides au logement ont diminué depuis dix ans. Les aides publiques au logement représentent 1,6 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020. L’aide personnalisée au logement (APL) a été réduite de 5 euros par mois et par ménage en 2017.
L’encadrement des loyers introduit par la loi Alur en 2014 et la loi Élan en 2018 commence à produire des effets bénéfiques en limitant la hausse des loyers. Mais, la mauvaise régulation du marché de l’immobilier entraîne des hausses de prix dans l’immobilier. Le rapport de la commission présidée par François Rebsamen, publié à l’automne 2021, s’alarme de la chute de la construction. La France est ainsi passée, en début de quinquennat, de 437 000 mises en chantier en 2017 avant de chuter à 350 000 en 2020.