Orange a présenté au régulateur un programme et un calendrier de fermeture de son réseau cuivre à échéance 2030. Avec 56,5 millions de foyers raccordables et
11,8 millions de clients fibre, le Groupe détient une position de leader en Europe.
En France, au quatrième trimestre, 351 000 ventes nettes ont été réalisées avec 53 % des nouveaux clients fibre qui sont de nouveaux clients Orange. Alors que ce réseau compte de plus en plus d’utilisateurs, le maintien de deux réseaux au-delà de 2030 n’est pas envisageable pour des raisons opérationnelles, financières et environnementales,
d’où la programmation de sa fermeture à horizon 2030.
Il s’agit d’un projet pharaonique sur le plan technique et d’un chantier particulièrement onéreux avec de nombreuses répercussions sur le volet humain.
Un plan en plusieurs étapes
Le plan proposé par l’état-major pour mener ce décommissionnement se fera en plusieurs étapes. D’abord une phase transitoire jusqu’en 2025, date fixée par le gouvernement pour déployer la fibre sur l’ensemble du territoire. Orange entend procéder à de premières fermetures techniques portant sur 2,5 millions de locaux entre 2023 et 2025. Le rythme va ensuite s’accélérer. Tout un programme pour Christel Heydemann, la nouvelle Directrice Générale du Groupe, qui aura à conduire ce chantier titanesque en plus des autres défis sociaux de taille qui l’attendent.
Un véritable gouffre financier
La Commission Supérieure du Numérique et des Postes (CSNP) a souligné que l’existence et l’entretien de deux réseaux parallèles n’est pas économiquement viable sur le long terme. Pour le Groupe, il s’agit d’éviter un gouffre financier qui serait préjudiciable aux personnels, mais également aux clients. Comment financer le déploiement de la fibre, en même temps que la fermeture du réseau cuivre tout en assurant sa maintenance pour des abonnés de moins en moins nombreux ? La qualité de service à respecter par les « Opérateurs d’Infrastructures » reste un dossier sensible avec l’ARCEP et les pouvoirs publics, et en particulier en zone rurale où les investissements sont colossaux.
Une politique ultra-libérale nocive
On estime qu’avec des revenus du dégroupage en chute d’environ 200 millions d’euros par an, les recettes ne couvriront plus les simples charges de maintenance du cuivre dès 2023. Au point que, pour aider à son entretien jusqu’à sa fermeture, l’Arcep envisagerait une hausse du tarif de dégroupage payé par les concurrents mais seulement dans les zones où Orange a déjà procédé à une fermeture commerciale de son réseau cuivre. Nous sommes loin des 30 % d’augmentation réclamés depuis des années. La dernière augmentation date de la fin 2020. L’Arcep avait alors fixé le tarif à 9,65 euros par ligne et par mois, jusqu’en 2023. Pour le régulateur des télécoms, cette augmentation devrait permettre d’accélérer la bascule du pays vers la fibre optique. Mais elle est loin d’être acquise, comme en attestent les réponses de SFR, Bouygues Telecom et Free à une consultation publique organisée pendant deux mois par l’Arcep, qui dénoncent une hausse injustifiée. Pire, ils n’inciteront pas, selon leur déclaration, leurs clients à migrer vers la fibre optique. La responsabilité du régulateur est maintenant d’aider l’opérateur héritier du service public à mener ce chantier dans les meilleures conditions.
Pour FOCom, tout cela confirme la nocivité d’une politique ultra-libérale que nous ne cessons de condamner depuis des années. Le secteur des télécoms ne peut prospérer qu’avec la mise en œuvre d’une véritable politique publique organisée autour d’Orange et reposant sur une vision industrielle visant à développer l’emploi et l’investissement et non sur une hyperconcurrence destructrice qui favorise les acteurs de la finance et les GAFAM.
Une priorité, les personnels
Concernant le défi humain qu’Orange doit relever en interne, FOCom attend de la direction une communication transparente et régulière, tout au long du processus de décommissionnement, sur les conséquences pour les personnels et les métiers concernés. Ce projet aura également des impacts sur l’organisation du travail, les pics d’activité, les besoins en métiers « éphémères » et le recours à la sous-traitance que nous souhaitons le plus faible possible. Nous exigeons l’élaboration de plans de prévention, en amont, pour prévenir les risques inhérents à ce projet. Plus que jamais, Orange devra mettre en place un accompagnement solide en termes de formation, de montée en compétence mais également en matière de rémunération.
FOCom appelle au soutien sans faille de l’opérateur historique dans une opération à haut risque car il en va de sa capacité à remplir ses missions mais aussi de son avenir et de celui de ses personnels dans un environnement hyperconcurrentiel déjà soumis à de profondes transformations.
Les collectivités locales inquiètes et vigilantes
Dans un communiqué commun datant du 4 avril 2022, 28 collectivités locales représentant 12 millions d’habitants ont émis un avertissement aux opérateurs et à leurs sous-traitants. Pour ces élus, accompagnés de l’association des maires de France et de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies, il est important que cette fermeture se déroule dans de bonnes conditions pour les usagers comme pour les acteurs économiques, tout en s’assurant que les offres cuivre soient totalement substituables vers la fibre garantie pour tous. Un an après l’entrée en vigueur d’un contrat national (STOC V2) signé entre les opérateurs, ce collectif pointe plusieurs points dans les zones moins denses comme des règles de sécurité non-respectées, 85 % des comptes-rendus d’intervention transmis à l’issue de chaque raccordement non exploitables (en moyenne sur les 6 derniers mois), des remises en état inopérées, des réseaux quotidiennement dégradés (boitiers de raccordement laissés ouverts sous la pluie, clients déconnectés, malfaçons chez les abonnés…) ainsi que des contrôles terrain impossible faute de communication des plannings d’intervention.
Rappelons que l’État n’a toujours pas défini d’opérateur de service universel pour la fibre, garantissant ainsi un accès de base à un bon prix, n’importe où sur le territoire.